Reçu le 30 janvier dernier au Club taurin de Paris, David casas, après s’être présenté au titre d’une carrière assez bluffante, a évoqué le dessous des cartes de l’échec peut-être partiel de OneToro (il se murmure que de nouveaux investisseurs interviendraient dans le dossier).
Ci-dessous le compte-rendu rédigé par Martine Bourand.
« Ce 30 janvier, le Club Taurin de Paris reçoit pour sa première soirée 2025, le journaliste taurin David Casas. Après les vœux du président Thierry Vignal : « D’une année taurine 2025 avec des taureaux qui embistent et des toreros qui toréent vraiment », Araceli Guillaume-Alonso, quant à elle, assure la traduction des questions et réponses.

La première question posée concerne la naissance de son aficion.
En introduction, David Casas remercie le Club Taurin de Paris où, pour lui, c’est un honneur de venir parler de toros en toute liberté, ainsi que toute l’aficion française pour laquelle il a beaucoup de respect.
Il entre en aficion tout naturellement avec son père car, ce que beaucoup de gens ignorent, celui-ci était torero. Ainsi, il fréquente les arènes dès l’âge de trois ans, âge auquel il y a emmené son propre fils. Il voit donc beaucoup de toros durant son enfance à Madrid. À treize ans, il entre à l’école taurine de Las Ventas. Il s’aperçoit que, bien qu’entièrement acquis aux taureaux, se mettre devant n’est vraiment pas fait pour lui.
Puis il raconte comment s’est construite sa carrière :
A dix-neuf ans, il entre à l’université pour étudier le journalisme, il bataille et y fait intégrer le « toro » par le biais d’une formation au journalisme taurin comptant dans le cursus général. Au sein de l’université, il monte une peña à laquelle adhèrent entre cinquante et soixante personnes. À la sortie de l’université, il choisit de devenir journaliste taurin, voie moins évidente que celle de journaliste sportif.
Il travaille pour des périodiques, et à 22 ans, en trois mois il passe du statut d’étudiant à professionnel avec une grosse responsabilité à Canal+, c’est son premier contact avec la télévision. Rétrospectivement, lorsqu’il visionne les émissions, il juge qu’il n’était pas vraiment au niveau. Il explique les obstacles à surmonter pour le jeune qu’il était pour se faire une place dans un monde de journalistes plus âgés, installés. Ce furent des années passionnantes; avec son style et son charisme, il vise un public jeune qui viendrait renouveler le public des arènes.
Après quinze années d’interviews du callejón, il deviendra chez Movistar responsable commentateur : lorsque le directeur Hugo Casta veut changer l’image de Movistar, il remercie à ce moment-là Manolo Moles et lui confie le poste. En 2020, le nouveau directeur de Movistar le licencie à son tour, a priori, pour raison économique, mais il pense que la vérité est ailleurs… Movistar change de politique et ne souhaite plus que son image soit associée aux toros.

C’est à cette époque que l’idée de la création d’une nouvelle chaîne, OneToro, uniquement taurine, voit le jour. Contrairement à ce que ses organisateurs pensaient (en espérant un partage des férias), Movistar annonce se retirer de toutes les grandes férias. Il faudra donc à la toute nouvelle chaîne, sans préparation, les assumer : budget énorme, outre les 5 millions de la San Isidro, 3 millions pour Séville, 1,2 million pour Pampelune, 1 million pour Bilbao. D’autant plus que leur prévision de modèle économique fonctionnait sur une base de 200 000 abonnés uniquement en Espagne alors que le nombre total d’abonnés n’a pas dépassé 60 000 dans le monde, malgré un coût de 1,28€ par corrida diffusée ! Ils n’avaient pas pris en compte un facteur d’importance, à savoir que le piratage est un sport national en Espagne. Seul un Espagnol sur quatre paie son abonnement et, pire encore, un pour vingt en Amérique (Mexique, Pérou…).

Au-delà des sommes allouées aux férias, la chaîne doit assurer les frais de fonctionnement et surtout le droit à l’image totalement déconnecté des réalités et dont la répartition est pour le moins opaque. Ils sont versés à l’impresario des arènes qui est chargé de les partager entre toreros. Les principaux bénéficiaires étant les huit premiers de l’escalafón, tandis que les toreros classés de dix à cinquante, soit 75 %, ne se voient pas verser les droits à l’image pourtant payés par OneToro ; il en est de même pour les éleveurs.
Opacité renforcée par le fait que les toreros touchent en même temps le droit à l’image et les droits artistiques, sans réellement savoir comment la somme est répartie (les taux de prélèvements de taxes sont inférieurs pour les droits artistiques en Espagne). Pour autant, tout le monde réclame son droit à l’image : matadors, bien sûr, mais aussi banderilleros, picadors, jusqu’au mozzo de espada.
Il avance deux propositions pour améliorer la situation : la création d’une structure de gestion des droits à l’image ( sur le type de la SACEM et d’organismes équivalents en France) et une indexation du droit à l’image sur le nombre d’entrées et le nombre de personnes qui voient les corridas à la télévision.
Face aux difficultés économiques, OneToro n’a pas pu couvrir en 2024, la San Miguel à Séville et la feria d’Otoño de Madrid, villes avec lesquelles le contact est rompu. Il présente ses excuses aux abonnés.
Pour la temporada 2025, OneToro a revu à la baisse le nombre de corridas retransmises, la chaîne devrait annoncer en début de saison cinquante corridas. Il pense que la majorité des abonnés continuent à faire confiance à la chaîne, actuellement environ 53 000 lui sont restés fidèles ; les 7000 ayant résilié leur abonnement ont pu être déçus par une indemnisation au prorata se montant à seulement 29 € : ils rêvaient !

Questions des aficionados :
L’une concerne d’éventuelles pressions du gouvernement espagnol pour limiter les diffusions télévisées de corrida? la seconde porte sur les subventions de l’état.
David Casas admet que la pression est possible sur des chaînes publiques, mais sans incidence sur les chaînes privées. Quant à la seconde portant sur les subventions à la corrida, il rappelle que la corrida ne touche aucune subvention d’État en Espagne, contrairement aux musées (780 millions €), au cinéma, au théâtre et à la musique (100 millions chacun !) ; la corrida rapporte six fois plus à l’État que le cinéma.
Pourquoi donner le montant des droits à l’image à l’imprésario ? Est-ce pareil en France et en Espagne ?
Il ignore pourquoi sinon qu’il n’existe pas de structure qui gère cela. De plus, les toreros touchent en même temps les droits à l’image et les droits artistiques, sans réellement savoir comment la somme est répartie. Mais surtout, 75 % des toreros ne touchent pas les droits à l’image ; cette part est-elle gardée par l’imprésario?… Alors que les premiers de l’escalafón touchent environ 150 000 euros pour une corrida, les autres seulement 18 000 et 20 000 euros.
Le problème de la fraude peut-il être jugulé ? les Français sont ils plus vertueux dans ce domaine?
Il pense qu’en Espagne cela est impossible même Morante lui a avoué ne pas payer l’abonnement aux toros pour ne pas passer pour le ringard du village. David Casas dit ne pas connaître les chiffres pour la France …
Comment Movistar pouvait-elle s’en sortir ?
Movistar diffuse plusieurs sports dont certains très populaires notamment le football, ce qui n’est pas le cas de One toro. Il pense que la majorité des abonnés continuent à faire confiance à OneToro actuellement environ 53 000 sont restés fidèles.
Y at-il une répartition des corridas entre les chaînes régionales et OneToro ?
Non, en fait les chaines régionales ont peu de moyens c’est pourquoi elles diffusent les petites férias.
Cette soirée, a permis aux aficionados du club de découvrir une face plus méconnue du monde taurin qui comme toute institution a ses forces et ses faiblesses. Après des remerciements chaleureux à David Casas, les échanges, se poursuivent comme il est de coutume, autour du buffet . »
Texte Martine Bourand

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