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Costume de lumière œuvre de la sastreria Nati. ©JYB

Visiter un atelier de sastre est une expérience passionnante. Pourtant pas grand-chose à voir : quelques coupons de soie, une machine à coudre, des bobines de fil, des paillettes dorées ou argentées et au mur quelques affiches et photos taurines. C’est tout ce qu’il y a dans le garage de la sastreria Nati, où nous reçoit Juan Carlos Vera et sa mère la Maestra Nati ( pour Natividad), qui, à 88 ans, a toujours bon pied bon œil et des doigts de fée. D’ailleurs, elle a reçu en 2020 la médaille d’or de Bellas Artes des mains du roi Felipe !

Juan Carlos Vera et sa mère, la maestra Nati présentent une cape de paseo qui sera ornée de la broderie de la Esperanza de Triana. ©JYB

Mais qu’est-ce qu’une sastreria ? C’est un atelier de couture et de broderie où l’on fabrique les costumes de lumière des toreros. Il y en a 10 en tout et pour tout en Espagne. Et tous espèrent que leur art sera reconnu digne d’être inscrit au patrimoine (au moins européen). Mais sans trop d’illusion 800 demandes sont déposées par an auprès du parlement européen pour 4 ou 5 inscriptions ! (Et bien sûr le dossier ne contient aucune allusion à la corrida !)

Présentation du travail à réaliser sur une chaquetilla (bolero) notamment la qualité des coutures qui ne doivent pas céder en cas de choc contre la corne du toro. L’armature est rigide mais ne sert de protection que contre les banderilles. ©JYB

En fait, la sastreria est l’organisme du propriétaire et artiste. La plupart des travaux de couture et de broderie sont effectués par dix petites mains qui travaillent à domicile (en télétravail, ce qui en cette période de pandémie est un avantage !). La Maestra peaufine le travail et brode les pièces les plus importantes. Son fils, Juan Carlos qui fut torero comme son père dans sa jeunesse, mais qui n’a pu percer et devenir figura, s’est résolu à 28 ans à  aider sa mère et a suivi les cours d’une école de dessin pour percer dans ce milieu fermé.

Magnifique capote de paseo décoré d’un calendrier aztèque. ©JYB

Avant cela, il s’entraînait avec le jeune José Tomas, 14 ans à l’époque et encore becerriste et toréait en Amérique notamment au Mexique où il a eu jusqu’à 17 cartels dans la temporada. Aujourd’hui, il dessine les costumes et valide les choix des toreros qui font appel à lui. C’est ainsi qu’il présente un superbe costume préparé pour un torero mexicain brodé d’un calendrier aztèque : la Maestra et ses petites mains ont accompli un travail magnifique.

Taleguilla (culotte) du costume « aztèque » présenté par la maestra Nati. ©JYB

Pour fabriquer un costume de torero, il faut compter 25 jours de travail ! Tout est fait à la main bien entendu, ce qui explique les prix qui vont en gros de 5000 à 12000 € (un peu moins pour les costumes brodés d’argent ou d’azabache -noir). La Maestra Nati a fabriqué des costumes pour Curro Romero et le costume d’alternative de Simon Casas (dont on sait qu’il n’a servi qu’une seule fois, le maestro s’étant coupé la coleta au soir de la corrida). La production de la sastreria a été jusqu’à 120 costumes de lumière annuels, mais aujourd’hui, compte tenu de l’âge de sa mère elle se limite à 70 costumes environ.

Ceux qui souhaiteront apprécier le travail de la Maestra Nati n’auront pas besoin d’aller jusqu’à Séville, puisque la sastreria sera présente à Istres pendant la féria et y présentera ses œuvres et le processus de fabrication.