Israël de Pedro de la cuadrilla de Maxime Solera piquant Relamido, n°49 de Saltillo, à Céret, le 15 juillet 2023. La pique n’est pas tout à fait dans le morillo, mais reste à peu près correcte. ©JYB
Ce fut la surprise de cette féria de Céret : sauf le premier jour, aucun picador ne reçut la récompense promise à la meilleure pique de chaque corrida.
Essayons de comprendre pourquoi.
Souvenons-nous d’abord que la pique a 4 buts rappelés par Marc Roumengou dans l’excellent livre « Blessures et mort des taureaux de combat » (à compte d’auteur 1991):
1/ Abaisser l’encolure du taureau et régler son port de tête : car le toro qui charge tête haute ou qui derrote d’un côté ou de l’autre est dangereux voire intoréable. Le picador devra donc positionner sa pique à l’intérieur d’une zone où le fer doit normalement être appliqué.
2/ Obtenir de lui des charges rectilignes et les concentrer sur un unique objectif : ceci est obtenu par l’immobilité du cheval. La pique en elle-même n’y joue aucun rôle.
3/ Permettre d’apprécier et de mesurer sa bravoure : cela explique la nécessité de plusieurs piques successives, encore faut-il que le picador, au moment où il pique et résiste à la poussée du toro, lui donne la sortie, ce qui donnera à celui-ci l’impression d’une victoire et l’incitera à récidiver.
4/ Atténuer sa puissance : sans le rendre inapte à la poursuite du combat, car il ne s’agit pas de châtier, briser, diminuer le toro.
Se pose alors la question fondamentale : où le picador doit-il piquer ?
La réponse a varié dans le temps surtout de la part des professionnels : dans le morillo (voir ci-dessous), à la base du morillo ou à l’arrière du Morillo.
Un picador donnait lors d’une visite de ganaderia le choix impératif des piqueros : à la base du morillo. Cf le précédent article sur ce sujet :
Néanmoins, si l’on se réfère toujours à Marc Roumengou qui cite Pepe Hillo et son « Arte de torear » (1796) :
« Le picador se place dans l’alignement du toro… il lui met la pique dans le cerviguillo (synonyme de morillo) et, simultanément fait pivoter son cheval vers la gauche … et le rejette par devant sa monture ou bien sur une ligne qui lui soit parallèle ».
Il est à noter que les règlements taurins successifs n’ont pas suivi Pepe Hillo à l’exception de celui de 1917. Les suivants ont laissé dans le flou le point clé de la position de la pique.
Or, si l’on regarde l’anatomie du taureau, on constate que la pique en arrière va avoir des effets néfastes car, malgré le volume musculaire de l’arrière du morillo, la pique risque de toucher et de fracturer des vertèbres mais en aucun cas ne remplira le rôle qui lui est attribué de régler le port de tête du toro puisqu’elle ne touchera pas les muscles extenseurs ou releveurs.
Pourtant, ainsi qu’on l’a constaté à Céret (et l’on pourrait dire la même chose de Vic) pratiquement 90% des piques ont été données en arrière voire très en arrière du morillo.
Ces choix quant au positionnement de la pique semblent faire partie de la tradition moderne des picadors d’autant qu’un revistero aussi compétent que Joël Bartolotti écrit dans Toros : « piques traseras … toutes celles du jour le seront, à dessein, car c’est la guerre, même si l’éthique taurine condamne ». Mais on peut quand même se poser la question quand on repense aux 4 objectifs du premier tercio…
En outre, se pose la question de la tenue de la pique : le picador doit s’appuyer sur elle pour contenir la poussée du toro. Mais est-il obligé de « pomper », avec ardeur pour enfoncer d’avantage sa pique même après l’avoir relevée ou de vriller pour ramener vers l’avant le bord tranchant de la pyramide et élargir les coupures ? La pique Bonijol et son marquage blanc et rouge permet de lutter contre ce mauvais geste, mais il existe encore malheureusement.
Bien sûr une autre tradition, très ancienne veut que le toro saigne jusqu’au bout des sabots, même si la perte de sang du toro se limite à quelques % des 50 litres que contient son corps.
On peut remarquer par ailleurs que le toro, généralement, reste collé au peto et pousse si le picador relève sa pique, ce qui par le jeu de ses mouvements contribue accessoirement à l’efficacité de celle-ci, mais qu’il sort et répond au cite du banderillero si le picador a retiré sa puya. Ne vaudrait-il pas mieux dans ces conditions que le piquero retire la pique du morillo du toro et que le maestro le remette en place pour une rencontre supplémentaire fût elle légère ?
Les réflexions récentes portent plus sur la modification des instruments de la lidia pour que le sang soit moins apparent et les blessures moins visibles. Mais est-ce le vrai problème ? Daniel Garripuy de la FSTF donne sa réponse dans l’article ci-dessous :
Au vu de ces quelques réflexions, il apparait que l’ADAC a eu bien raison de ne pas attribuer de prix aux picadors intervenant à Céret au cours de cette féria.
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