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Morante de la Puebla en passe par le haut devant Ballestero n°134 de Garcigrande à Séville le 7 mai 2022. ©JYB

Il est bourré de contradictions et suscite autant d’éloges passionnés que de critiques destructrices :

Génial, à Séville en féria de Primavera. Certes 1 fois, mais sur 8 toros au total ; sur les 7 autres 1 seule oreille coupée. Pour la régularité on fait mieux. Même chose à la San Miguel 4 toros 1 oreille !

D’autant que malgré certaines nouveautés cette année, ( on lui reconnait d’avoir remis en lumière les toros de Galache) il continue de choisir les Juan Pedro Domecq et les Nunez del Cuvillo qui ne sont pas les ganaderias les plus difficiles et surtout qui ne sortent pas bien depuis plusieurs années : facile ensuite de prétendre que la chance n’était pas avec lui.

Et qu’on ne parle pas de malchance permanente au sortéo : quand un toro ne lui plait pas, il a un défaut de vue (il y en a vraiment beaucoup dans ses lots, à croire que les vétérinaires sont incompétents) et, s’il n’est pas changé, il le liquide en 3 coups de torchon et une demie épée par l’extérieur. Respecte-t-il vraiment le toro et l’aficionado ?

Vilaine estocade de Morante devant Pitinesco, n°59 du Puerto de San Lorenzo, à Bilbao, le 26 août 2022. ©JYB

Mais aussi une demie véronique templée, lente, majestueuse au point que le photographe en oublie de déclencher son appareil tellement l’envie le prend d’applaudir en criant Olé !

Demie véronique de Morante de la Puebla à Tobilito, n°27 de Nunez del Cuvillo, à Séville le 6 mai 2022. ©JYB

Mais aussi, après une de ses broncas de catégorie habituelles, traverser l’arène jusqu’à la porte du toril et se mettre à genoux pour attendre le toro : ce jour-là (le 23 avril 2007), j’avais écrit :

« Et puis tout d’un coup, silence assourdissant sur la Maestranza ! Morante sort du burladero et se dirige vers la porte de la peur. Les murmures contenus naissent peu à peu, car elle est longue cette traversée de l’arène ! A genoux devant la porte. On entend la porte du chiquero et le toro n’apparait pas : un cite, deux cites, et enfin Jergoso 2 charge, la cape qui vole, le Morante qui se couche latéralement presque sur le dos, tant il est serré de près.

Morante a porta gayola à Séville, le 23 avril 2007. ©JYB archives. (on excusera la mauvaise qualité de cette photo, j’étais mal placé.)

Il se relève et enchaine cinq véroniques à la Morante sous les rugissements des tendidos. A partir de là, tout lui est permis, Quoi qu’il fasse, c’est sous les olés ! Peu importe que la muleta soit accrochée ou non. Musica, bien sûr, dès l’entame et l’on vibre ! Quoi qu’il se passe, les oreilles vont tomber. On ne voit plus la réalité, on se laisse emporter par l’émotion. Est-ce de l’art ? (oui, car il est bon). Est-ce du charisme ? (certainement, car l’émotion l’emporte sur l’analyse froide) ».

Morante à Séville le 23 avril 2007. ©JYB archives

L’air de « je vous ai bien eus »…

C’est cela le Morante : le torero qui divise les penas et provoque les affrontements les plus intenses dans les tertulias d’hiver.

Reste que, sur le fond il n’est pas exempt de reproches :

Pierre Vidal se pose une question fondamentale (sans trancher) à voir ici :

Mais au-delà et dans la suite de cette réflexion on peut se poser au moins une question sur le comportement de l’homme :

Est-il opportun, même pour fêter l’anniversaire de son alternative de truster 100 cartels en 2022, alors qu’on est un torero de 40 corridas annuelles, sans besoins financiers ; alors que d’autres solutions, par exemple des gestes exceptionnels (qui ont d’ailleurs eu lieu en partie mais sans grand succès) sont possibles ?

La réponse est bien évidemment non : ces 100 cartels, ou 60 en trop, prennent des places à des toreros plus jeunes ou moins favorisés par le mundillo, qui en auraient bien besoin après 2 ans de pandémie pour retrouver leur technique, faire renaitre le gusanillo et espérer quelques possibilités de triomphe, notamment dans les plazas de troisième catégorie. Dans un milieu qui cultive la solidarité, notamment dans l’arène, peut-être en faudrait-il un peu en dehors de l’arène.

Et l’on n’oubliera pas sa bagarre avec l’empresa de Séville : s’ils se sont visiblement réconciliés depuis, à voir les 6 cartels obtenus cette année à la Maestranza, il a privé l’aficionado pendant 3 ans de sa présence et de celle des figuras qui l’ont suivi. Il y avait surement d’autres moyens de s’accorder avec l’empresa Pages !

On pourra penser que je ne suis pas morantiste : faux, j’apprécie Morante, comme j’apprécie tous les toreros, lorsqu’il est a gusto devant un toro encasté qui charge et dont il résout les problèmes. Mais pas devant un toro faible et soso où les derechazos vont et les naturelles viennent sans provoquer la moindre émotion. Il lui reste encore une poignée de contrats, dont Saragosse ce vendredi mais encore devant des Juan Pedro. Cette fois la suerte sera-t-elle là?

#OuiàlaCorrida