L’UBTF vient de publier un ouvrage remarquable sur la ganaderia de Miura : Miura, mythe et réalités par Patrick Constantinides. Celui-ci est un spécialiste bien connu des élevages et des encastes et de surcroit un photographe taurin, même s’il publie rarement ses photos sauf à la dernière page de Toros.

C’est dire que son livre outre un contenu passionnant qui nous fait découvrir beaucoup de choses sur cet élevage mythique, comporte une iconographie de grande qualité (dont 6 modestes photos de votre serviteur), couvrant à la fois l’histoire de la ganaderia et les caractéristiques de ses toros.

La partie historique, extrêmement riche, a cet avantage de replacer toutes les évolutions de l’élevage dans le contexte économique et social de l’époque où elles sont intervenues : que ce soit les implantations des fincas (Zahariche n’existe que depuis 1941 ; avant, les toros de Miura vivaient dans la Marisma, même si l’élevage originel se trouvait près de Carmona), les apports de nouvelles origines dans le bétail, y compris l’acquisition oubliée en 1856 de bêtes appartenant à Francisco Tavel de Andrade d’origine Vazquez. Si l’acte d’achat se trouve aux archives, le devenir de ces bêtes est inconnu, les livres de la ganaderia n’existant qu’à partir de 1912.
Bien sûr, l’histoire de la ganaderia ne peut faire l’impasse sur les 11 morts qui ont fondé la légende noire de l’élevage et provoqué des conflits avec certains toreros vedettes qui ont un temps refusé de les combattre. Mais Pepe Luis Vazquez l’affirme : « il existe des ganaderias dont les toros ont tué plus de toreros. La malchance pour la ganaderia de Miura est que ses toros ont tué des figuras ! » Parmi elles Pepete, El Espartero, Manolete et Nimeno 2.

Cette histoire est en outre illustrée des commentaires de nombreux toreros, soit extraits des archives soit recueillis par l’auteur. L’accompagnent également les comptes-rendus de quelques corridas célèbres extraits de la presse taurine dont « Toros ». Ainsi, l’extraordinaire prestation de Manuel Escribano, remplaçant inopiné d’El Juli blessé à Séville, le 21 avril 2013, coupant 2 oreilles à Datilero, corrida qui lança réellement sa carrière !

La deuxième partie, tout aussi intéressante est consacrée au toro de Miura et à la description du phénotype, des cornes, des robes. Les très nombreuses illustrations de toros au campo sont un régal pour l’œil et un véritable dictionnaire illustré des pelages du toro. Détail particulier, les dents du Miura poussent moins vite que celles d’autres encastes, ce qui avait entrainé des contestations sur l’âge des toros. Ceci n’est plus un problème depuis l’institution du guarismo (fer de l’année de naissance sur la patte avant du toro).


Outre le phénotype, le chapitre suivant s’intéresse au comportement du Miura : De nombreux toreros apportent leur témoignage et insistent sur le fait qu’il ne faut pas douter devant eux, ne pas montrer son inquiétude car le toro la sent et vient alors sur l’homme : Mais selon Ruiz Miguel, le Miura prévient toujours, opinion atténuée par le fait qu’il affirme que « tu ne sais jamais quelle sera leur réaction ».

Au fil des ans, le comportement a varié, avec, notent les revisteros sérieux une baisse de la qualité moyenne des camadas. Celle-ci est mise par le ganadero sur le compte de l’évolution des goûts du public qui exige des toros plus templados à la charge régulière. En tout cas, chez Miura, tous les mâles sont tientés à 2 ans par acoso y derribo et certains utreros dont la tienta a été satisfaisante et la généalogie compatible sont mis sur les vaches avant de partir aux arènes.

Bien entendu, le livre n’esquive pas la question des cornes : la perte de substance souvent constatée, (l’exemple le plus flagrant étant celui de Céret en 2017) n’a pas selon les analyses scientifiques des cornes, une origine frauduleuse malgré les nombreuses rumeurs ayant circulé dans le mundillo, notamment après la mort de Manolete, Islero, de l’avis général, ayant subi l’afeitado.

Le fait est que les toros de Miura, très agressifs heurtent les murs des corrals et les parois des camions de transport, et même auparavant ont planté leurs cornes dans les terres caillouteuses de Zahariche ou se les ont frottées sur les mangeoires en pierre qui restent traditionnelles chez Miura. Le président des vétérinaires taurins de France, Yves Charpiat, indiquait que les cornes les plus dures de tous les encastes étaient celles des Miura. Cette année, à Vic, à la demande de l’éleveur, les fundas ont été conservées jusqu’à la mise en chiqueros pour la corrida concours, ce qui a permis de sortir un toro aux cornes astifines, mais aussi, ce qui a suscité de violentes critiques des aficionados, car le toro n’a pas le temps de retrouver la distance de frappe de ses cornes.

Dans ses annexes, l’ouvrage livre des anecdotes savoureuses, dont celle du chien Ortega, qui permit de faire rentrer un Miura dans les corrales de Pampelune avant d’être porté en triomphe au cours d’une vuelta magnifique en 1958. Ou cette sieste de Rafaël El Gallo s’endormant tranquillement (malgré sa réputation de torero « craintif ») juste après avoir appris qu’il allait affronter les Miura. Etc.

En complément, figure la liste exhaustive des toreros ayant pris l’alternative avec des Miura et celle des seul contre 6 (16 au total dont celui de Javier Castano à Nîmes en 2012) et les statistiques de l’élevage.
Au total, un livre d’une très grande richesse qui fournit une analyse historique de grande précision et un regard très complet sur une ganaderia de légende.

On ne peut que recommander à tout bon aficionado, même s’il possède déjà de bons ouvrages sur Miura, de le placer dans sa bibliothèque à une place d’honneur.
POUR SE PROCURER « MIURA MYTHE ET REALITE »
Sur le site de l’Union des Bibliophiles Taurins de France :
291 pages au format 17/25 cm, avec une importante iconographie. Prix : 30 €
Merci Jean-Yves pour cet excellent résumé du livre que j’ai lu tranquillement en faisant des pauses . J’espère que ton travail donnera aux aficionados l’envie de le lire.