Photo JYB Toro de Dolores Aguirre 2015
Regardez le au campo, la tête fièrement levée, l’œil aux aguets, sûr de lui, paisible, mais pourtant prêt à détruire tout adversaire qui tenterait de s’approprier son territoire.
Revoyez le dans les cirques romains où il affronte fauves et carnassiers, toujours avec succès : le toro n’y a jamais été vaincu par un seul animal, lion, ours, panthère, ou autre, sauf peut-être par des meutes.
Pensez à son cousin de la brousse, le buffle, l’animal le plus dangereux de la savane africaine.
Regardez le, se jetant dans l’arène, la tête haute, le galop allègre, défiant tout ce qui bouge ou ose se montrer sur ce qui devient son terrain.
Et pourtant, qui le respecte ?
Le grand public respecte le vent et la mer, la tempête et les bourrasques, les vagues s’écrasant sur les rochers, les embruns volant au-dessus des digues. Il frémit aux exploits de Loïc Peyron, Armel Le Cleach, ou François Gabart et d’autres grands navigateurs et leur voue une admiration sans borne qui déplace des milliers de spectateurs sur les quais des Sables d’Olonne, de Saint Malo, Brest, Le Havre ou Lorient. Sans oublier Éric Tabarly, Alain Colas ou d’autres qui ont donné leur vie en se battant contre les éléments naturels.
Le grand public respecte la haute montagne, les neiges éternelles, les glaciers accrochés aux versants les plus verticaux. Il admire les audacieux alpinistes qui escaladent les plus hauts sommets et s’attaquent aux voies les plus difficiles et les jeunes skieurs ou surfeurs du risque qui dévalent les pentes abruptes.
Le grand public respecte les volcans, les coulées de lave, les vapeurs sulfureuses et frémit aux exploits des scientifiques successeurs d’Haroun Tazieff.
Le grand public respecte la tempête et la tornade, dont il craint les énormes dégâts, et frissonne au courage des « chasseurs de tornade » ou autres explorateurs de cyclones.
On pourrait citer bien d’autres exemples….
Le grand public a raison d’admirer ces héros ! Et son admiration leur apporte de nouveaux moyens techniques d’aller toujours plus loin : les voiliers d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux d’il y a 20 ans et utilisent tout le progrès scientifique de la recherche aéronautique pour limiter le risque.
Les skis et autres planches de surf ne sont plus ceux d’il y a 20 ans et les dispositifs d’alerte pour ceux qui se risquent hors-piste ont été inventés ces dernières années.
On pourrait citer bien d’autres exemples.
Mais le grand public ne semble respecter aucune force de la nature vivante, et donc le toro brave.
Il ne s’intéresse pas au courage, à l’engagement, à la science des toreros qui affrontent cette force, armés seulement de ces instruments inventés il y a 2 siècles et qui n’ont pas changé depuis, de leur intelligence et de leur connaissance du fauve. Il ne vibre pas à leurs exploits dont il ne se rend pas compte.
Nous, aficionados, nous admirons le toro brave. Nous admirons sa force, son agressivité, sa beauté fière. Nous admirons les toreros qui les défient, s’imposent, et réussissent à dominer cette force.
Mais comment faire comprendre au grand public qu’il pourrait lui aussi admirer le spectacle de cette force de la nature dominée par l’homme ?
Peut-être est-ce cette question que nous devrions nous poser….