Dans un communiqué paru cette semaine, l’UVTF fait le point sur les arguments pro et anti corrida et en donne une lecture qui intéressera les aficionados et même les autres.
La tauromachie en France, Un patrimoine anthropologique, culturel, écologique et économique
1 / Un modèle écologique exemplaire
L’élevage du taureau brave se fait dans un cadre extensif et au travers d’une reproduction naturelle.
Il préserve la biodiversité et protège des écosystèmes fragiles.
Le bien-être animal, au regard de sa définition scientifique, y est rigoureusement respecté, le taureau étant élevé en liberté dans des conditions conformes à sa nature.
2 / Une économie localement importante
Dans le cadre d’une centaine de spectacles, moins de 1000 taureaux sont combattus chaque année, quantité dérisoire au regard des 3 000 000 d’animaux abattus chaque jour pour la consommation (selon L214).
En temps normal, ces spectacles accueillent environ 400 000 personnes chaque année, générant une économie induite de plusieurs dizaines de millions d’euros, bénéficiant au commerce des cinquante villes taurines.
Lors du « Grenelle de l’Environnement » organisé en 2008 par le gouvernement, il fut déterminé qu’environ 2 500 000 personnes assistent chaque année aux jeux taurins formels ou de rues organisés lors des ferias ou fêtes votives, toutes disciplines confondues.
Selon divers sondages commandités par des ONG animalistes, 25% des français ne souhaitent pas l’interdiction des corridas.
3 / Un statut légal consolidé
Depuis l’introduction en 1951 d’une exception aux sanctions pénalisant les actes de maltraitance prévus dans la loi Grammont, la corrida est légale en France dans les régions de tradition.
En 2011 le Conseil Constitutionnel, dans le cadre d’une QPC, a jugé cette exception culturelle conforme à la Constitution.
Par ailleurs, dés le Traité de Rome et dans les textes suivants, l’Union Européenne a stipulé que le bien-être animal ne peut être opposable aux patrimoines culturels régionaux ou nationaux.
4 / Un patrimoine culturel immatériel français
La France a inscrit la corrida à son PCI en 2011, après l’avoir jugée conforme aux critères requis par l’UNESCO.
Bien que non visible sur le site du Ministère de la culture en raison de « problèmes techniques » récurrents, (en fait liés aux attaques subies par divers haut fonctionnaires suite à la publication de la fiche d’inscription), cette inscription est irréversible : selon l’UNESCO, une culture inscrite au PCI n’en disparaît que lorsqu’elle cesse d’exister.
5 / Une dérive idéologique
Clos au niveau juridique au travers d’une jurisprudence constante, le débat sur une interdiction éventuelle de la corrida s’est déplacé sur le terrain de la morale, où les associations anti taurines ont été supplantées par les ONG animalistes et anti spécistes que l’on retrouve à l’œuvre dans tous les domaines.
Leur stratégie consiste à jouer sur les émotions pour provoquer un conflit de civilisation et substituer l’anti spécisme à l’humanisme anthropocentriste.
Les arguments développés à charge sont conformes à l’idéologie woke :
*Corrida = symbole du patriarcat machiste et sexiste.
*Corrida = marqueur de classes
*Corrida (en Amérique) = colonialisme
*Corrida (au Pays Basque et en Catalogne) = impérialisme espagnol.
*Corrida = torture et perversité.
6 / Le fait générateur des tauromachies
Si le taureau était une victime sans défense, les jeux taurins n’auraient jamais existé.
C’est au contraire l’agressivité naturelle du taureau qui en est le fait générateur depuis le néolithique et cette agressivité s’explique par son métabolisme particulier : en situation de combat, l’organisme du taureau libère d’importantes quantités de béta endorphines (« morphine endogène ») qui bloquent la sensation de douleur, mais aussi de dopamine qui accentue son agressivité ; par ailleurs, il secrète un taux minime de sérotonine, substance qui, au contraire, a pour effet de diminuer celle-ci.
C’est donc un animal qui ignore la douleur au sens où l’homme l’entend et qui décuple son agressivité pour satisfaire son instinct de puissance que l’homme affronte au risque de sa vie en essayant de produire de la beauté.
Par ailleurs, loin d’avoir été imposée aux peuples qui l’ont en partage, la corrida s’est implantée partout en raison de l’universalisme des sentiments positifs qu’elle libère dans une forme de catharsis moderne :
*Le public ne vient pas aux arènes pour y voir le taureau mourir, mais pour assister au triomphe de l’homme qui se sublime en l’affrontant.
*Elle est ainsi une métaphore de son destin, en symbolisant le passage de l’état de nature à celui de culture, de l’animalité vers l’humanité.
7 / Un combat humaniste
Le débat sur l’interdiction des corridas s’inscrit dans une contestation politique globale du modèle de civilisation occidental que l’idéologie woke intersectionnelle et la cancel culture entendent déconstruire puis effacer.
Céder à leurs injonctions, comme ce fut le cas pour le cirque, les delphinariums ou les chasses traditionnelles… équivaut à cautionner leur projet et à condamner de nombreuses filières déjà menacées ou ciblées, telles que l’élevage intensif, le gavage ou l’équitation.
L’erreur serait de dissocier ces attaques, en ne comprenant pas que cette stratégie des dominos répond à une offensive générale qui a pour objectif l’interdiction de toute utilisation des autres espèces par l’homme.
Il est impératif, au contraire, de leur apporter une réponse globale en affirmant la primauté du paradigme anthropocentriste et de l’humanisme sur les dérives de l’anti spécisme, et de faire de ce préambule une ligne de défense infranchissable afin de préserver des filières professionnelles, des traditions et des cultures régionales, ainsi que la liberté et la diversité culturelle de millions de citoyens français, dont cet héritage constitue un patrimoine précieux car constitutif de leur identité.
8 / Déconstruire la déconstruction
Pour défendre la tauromachie d’un point de vue humaniste, ainsi que toutes les activités ciblées par l’anti spécisme au travers du wokisme et des luttes intersectionnelles, il faut disséquer le fondement philosophique de celui-ci et dénoncer ses contradictions. En un mot, il faut déconstruire l’idée de déconstruction de l’homme au nom de l’égalité des espèces, dont la négation relèverait du racisme selon l’anti spécisme.
Première incongruité : prétendre priver l’homme de la place qu’il a conquise au sommet de l’échelle des espèces équivaut à nier les lois de la sélection naturelle qui s’imposent à toutes, tout en prétendant agir en leur nom.
Pour les anti spécistes, la culture ne serait qu’une excroissance maligne de la nature, conçue comme alibi par l’espèce humaine pour asservir les autres. Déconstruire l’idée de culture serait donc un préalable pour instaurer l’égalité entre toutes et mettre fin aux discriminations spécistes.
Mais dans la réalité la nature sans culture se régule au travers d’une double lutte : entre les espèces pour gravir l’échelle alimentaire afin de ne plus avoir de prédateur ; et, à l’intérieur de chaque espèce, par celle qui oppose les mâles entre eux pour le contrôle exclusif des femelles.
À ces deux règles conditionnant l’évolution des espèces il n’existe aucune exception, sauf pour l’espèce humaine depuis qu’elle fut en capacité de se concevoir en tant que telle et de s’ériger en prédateur ultime, deux singularités que l’anti spécisme lui reproche et veut abolir.
La régression prônée par l’anti spécisme impliquerait donc pour l’espèce humaine la perte de sa position dominante et le retour à la prédation sexuelle, redevenue légitime puisque relevant de pulsions naturelles communes à tout le vivant, et dont seule la culture, au travers des religions, de la morale et du droit, parvint à contenir les dérives dans les sociétés où l’humanisme prévaut sur le fanatisme et la civilisation sur la barbarie.
Seconde incongruité : culture, religion, morale et droit sont donc les ennemis que l’anti spécisme prétend déconstruire en effaçant leur histoire, afin de rendre à la nature la pureté originelle qu’elle aurait perdue après avoir été pervertie par les constructions intellectuelles humaines, au premier rang desquelles le paradigme anthropocentriste, fondement éthique de la civilisation selon lequel l’homme est supérieur aux autres espèces en raison de sa capacité à penser et à assumer une responsabilité spécifique à l’égard de la nature et des autres espèces.
L’anti spécisme voit dans cette affirmation un concept fasciste, dans la mesure où, au travers de la pensée et du langage, l’homme aurait imposé la vision totalitaire de son espèce au détriment des autres dont il justifierait ainsi l’exploitation, assimilée à un génocide dans la dialectique anti spéciste.
Troisième incongruité : l’anti spécisme étant lui-même produit par une pensée véhiculée par le langage, il ne peut s’extraire de la contradiction dans laquelle son radicalisme l’enferme ; à l’opposé de ce qu’il prône, sa propre existence constitue une preuve de la différence existant entre l’espèce humaine et les autres. Même déformée, la pensée humaine n’a pas d’équivalent.
Conscient de cette impasse et peu désireux de s’y engager, l’anti spécisme élude la question par une pirouette et fait appel aux émotions : la pensée, le langage et la morale sont certes propres à l’espèce humaine, concède-t-il du bout des lèvres, mais ils ne sont pas des critères déterminants pour justifier une différenciation discriminatoire. Le seul critère qui vaille, à ses yeux, pour démontrer l’égalité universelle des espèces, et donc rabaisser l’homme au rang des autres, est la « sentence » : étant toutes égales devant la douleur puisque toutes la ressentent, toutes doivent être considérées égales en tout.
En conséquence, au nom de la souffrance qu’il a infligée depuis des millénaires aux autres espèces, l’homme est sommé de se considérer comme un animal honteux et d’accepter sa déconstruction, involution corrélée à celle de tous les piliers de la civilisation qu’il a construite : culture, religion, droit, morale et traditions.
Ce raisonnement butte cependant sur une contradiction formelle qui permet de réfuter la pensée anti spéciste dans sa globalité : au nom de quoi cette construction intellectuelle également conçue par l’espèce humaine échapperait-elle à la logique de l’effacement que l’anti spécisme veut lui imposer, sinon en vertu de la supériorité morale que ses penseurs s’attribuent en exclusivité et dénient au reste de l’humanité, en s’arrogeant le droit de décider pour tous au nom des autres espèces qu’ils prétendent libérer.
Le piège est refermé. En revendiquant la supériorité de sa morale, concept qu’il refuse pourtant de considérer comme un facteur de différenciation entre l’homme et les autres espèces, mais qu’il n’hésite pas à opposer au reste de l’humanité, l’anti spécisme conforte donc le paradigme anthropocentriste au lieu de le réfuter : même s’il raisonne parfois mal, l’homme est le seul à raisonner. Ce faisant, l’anti spécisme déconstruit le fondement philosophique de sa croisade déconstructrice, réduite à l’état peu enviable d’idéologie subversive et de culture dévoyée. CQFD.
En conclusion : comme le colloque organisé à la Sorbonne les 7 et 8 janvier 2022 vient d’en dresser le constat (« Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture »), la société française est aujourd’hui menacée par une dérive globale dans laquelle l’anti spécisme s’inscrit. Les attaques portées contre la tauromachie, la chasse, les pratiques d’élevage, les cultures, les traditions, l’écriture… et à travers elles contre la vision de l’histoire et l’autorité de l’État, sont autant d’atteintes au fondement de la civilisation occidentale humaniste qu’il appartient aux élus de défendre dans tous les domaines concernés, en faisant prévaloir la raison sur l’émotion.
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