Le 21 août est sortie à San Lucar de Barrameda une corrida de Miura d’un autre temps : des toros au trapio exceptionnel de plus de 600 kilos, des cornes astifines et solides dans les remates au burladero, et surtout plus de 5 ans d’âge, avec le sentido pour ne pas dire le genio qui va avec. Spectaculaires à la sortie, tous se jetant à fond dans le couloir des corrales pour envahir la piste avec un message : « c’est mon domaine » ! Un lot qui était prévu pour Pampelune et non pour une arène de troisième catégorie.
Devant ces toracos 3 braves : Rafaelillo qui eut à se coltiner les 2 plus compliqués et fit preuve de son professionnalisme et de son expérience. Antonio Chacon, mieux servi au sortéo, mais qui se trouva à son premier devant un monstre qui chargeait dès qu’il levait l’épée pour l’estocade qu’ il réussit au bout de plusieurs minutes angoissantes à tuer al encuentro d’un coup d’épée magistral. Cristobal Reyes, qui avait choisi de prendre l’alternative face aux Miura – et honneur lui soit rendu pour ce choix – a bien lidié son premier mais échoué avec l’épée. Au second, après une faena courageuse et bien menée du moins pour ce genre de toros, il a voulu tenter le tout pour le tout en jetant la muleta et en se jetant sur la tête du toro pour l’estocade : hélas pinchazo et surtout il est pris et repris au sol finissant évanoui dans les bras de sa cuadrilla à l’infirmerie, avec un traumatisme crânien, heureusement sans conséquences graves.
Au total, une corrida qui nous rappelle que la tauromachie est d’abord un combat. Si le jeune torero acquiert de l’expérience (ne dit-on pas « le toro de 5 ans pour le torero de 25 » ?), le toro lui aussi en acquiert. C’était évident à San Lucar de voir comme ces Miura cherchaient l’homme et se défendaient.
Pour lire les resenas de cette corrida :
Remarque : les revisteros considèrent que Chacon a échoué à l’épée à son premier (plusieurs pinchazos) ce qui n’empêche pas le bon résultat obtenu.
Mais la légende des Miura exploite aussi d’autres croyances que l’on retrouvera ci-dessous.
LE COU DU MIURA
Il se raconte un peu partout que les toros de Miura ont un cou plus long et plus souple que celui du commun des toros : lorsqu’ils l’allongent, pour atteindre l’homme ou le leurre, on se rend bien compte qu’ils ont une vertèbre de plus, même si les vétérinaires n’ont jamais réussi à la trouver (comme la côte supplémentaire dont on dit qu’ils la possèdent aussi). Mais comme bien d’autres, Denis Loré reconnait que les Miura « ont une morphologie particulière, qui va avec leur agressivité, leurs coups de tête et leurs réactions totalement imprévisibles. » (Interview au Midi Libre en 2012 lors de l’encerrona de Javier Castano.)
En tout cas, lorsque Matabuey (numéro 44) est sorti en deuxième position de la Miurada de Nîmes lidiée par Javier Castano en 2012, on pouvait vraiment se poser la question en voyant la souplesse de son cou et sa capacité à regarder en arrière !
On peut trouver une référence à cette croyance dans le livre de Jean-Pierre Darracq « El Tio Pepe », MIURA page 359 où il cite le témoignage de Don Tomas Cotano, à l’époque (1975) vétérinaire des arènes de Bilbao:
« A propos des côtes, la quatorzième côte des Miuras, est-ce une réalité ou une légende? C’est une histoire que l’on raconte, moi je ne l’ai jamais vue. Pourtant, Eduardo Miura lui-même est perplexe : il n’écarte pas cette possibilité, au moins sous la forme d’un cartilage supplémentaire peut-être justifié par la longueur hors du commun de ses toros.
– Non. Ce que je crois, c’est que les vertèbres sont plus longues chez le Miura, surtout au niveau du cou. Ce qui expliquerait le cou en accordéon. »
L’ŒIL DU MIURA
Et c’est pour cela qu’ils impressionnent tant les toreros. Mais quand il voit dans son téléobjectif le regard de Matabuey, l’aficionado est aussi impressionné que n’importe quel torero !
« Outre leur comportement violent, les Miuras voient tout et tout le monde ». (Denis Loré). Il est vrai que le toro est plus intelligent qu’on pourrait le croire. Mais le Miura semble comprendre plus vite que les autres, en tout cas en moins de temps qu’il n’en faut pour lidier une faena.
C’est sans doute pourquoi le regard du Miura a quelque chose d’indéfinissable.
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