Le club taurin de Paris accueillait ce jeudi Borja Jimenez qui vient de vivre une temporada brillante après 7 années de galère. Accueilli par de chaleureux applaudissements, le maestro prenait place à la tribune et se livrait au feu des questions de la salle.
Sa vocation est née des tientas auxquelles il assistait vers ses 10 ans époque à laquelle ses toreros référents étaient Espartaco, Manzanares (père), Miguel Abellan, et un peu plus tard El Juli socle de sa passion pour les toros.
Pendant ces 7 années il a continué à s’entraîner quel que soit le nombre de corridas qu’il pouvait signer : il ne faut pas s’arrêter, au contraire. Heureusement les ganaderos (Martin Lorca, Murube, Julio de la puerta, Espartaco etc.) ont été accueillants et lui ont permis de tienter régulièrement. C’est grâce à cet entrainement qu’il a gagné ses cartels 2023.
En fait, paradoxalement, c’est la pandémie du COVID qui lui est venue en aide : Les ganaderos ont fait lidier au campo de nombreux toros qu’ils ne pouvaient vendre, des toros de respect le plus souvent faits pour les arènes de primera. Au cours de ces lidias privées, il s’est rendu compte qu’il était prêt et plus important, des apoderados et des empresas s’en sont aussi rendu compte, notamment Julian Guerra qui le fait entrer dans la Copa Chenel et à Madrid.
Il s’est donc installé à Salamanque avec Julian Guerra (qu’il considère comme un coach formidable et avec qui il ne pense pas qu’il puisse avoir des problèmes relationnels) qui l’a fait évoluer techniquement en prévision de la Copa Chenel où il tombe notamment sur un toro de Fuente Ymbro très fort qui lui permet de triompher. Mais le point clé de sa saison pour lui, est la corrida d’Escolar Gil à Pampelune, car à partir de là, le mundillo s’intéresse vraiment à lui et lui fait signer 6 ou 7 corridas en plus de Madrid. A propos de la polémique sur le retrait de points pour avis en demi-finale de la Copa Chenel, il considère qu’avec le temps ce ne sera qu’une anecdote, d’autant que ce système de décompte a été supprimé pour les prochaines éditions. Il regrette surtout que sa proposition de lidier en 3 ème de la finale les deux toros de Palha n’ait pas été retenue.
Mais le grand succès de sa saison est la corrida de Victorino Martin le 8 octobre à Madrid sur laquelle la salle l’a longuement interrogé :
C’est une première pour lui et Julian Guerra n’a pas voulu accepter sans avoir son accord, qu’il a donné immédiatement car il pensait qu’il pouvait s’y passer quelque chose de bien et, plus tard, à la veille de la corrida, il se sentait très concentré.
Les 3 semaines précédentes, il est allé tienter chez Victorino qui lui a expliqué, en théorie, comment lidier ses toros, (hauteur de la muleta, qui doit être très plate pour que le toro ne voie pas son corps, toque, etc.), passant beaucoup de temps avec lui. En voyant le résultat de ces conseils devant les vaches, la nervosité des premiers instants s’est effacée.
Le toro de Victorino est très exigeant sur le plan technique et sur le don de soi. Devant lui, il ne faut jamais hésiter : si on arrive à le dominer, on en tire le meilleur. Selon Victorino, il faut le toréer en ligne droite au départ pour qu’il dure et ne venir au toréo en rond qu’ensuite. Mais à Madrid, le public ne réagit que sur le toréo en rond, donc il n’a pas pu totalement respecter cette règle. Par contre, Victorino n’a pas insisté sur le caractère « tobillero » de ses toros.
À Madrid, alors que la grande porte était assurée après ses deux premiers toros, il a choisi d’aller à puerta gayola : Julian Guerra n’est pas intervenu dans cette décision. Lui, voulait d’abord la grande porte, mais aussi convaincre. Donc la porte du toril et la meilleure faena possible s’imposaient, même si le Victorino n’est pas facile à toréer à genoux.
Au cours de ses faenas on a remarqué la longueur de ses naturelles : certains toros le permettent, d’autres non ; il considère que c’est à lui de s’adapter. Les 3 Victorinos permettaient et il en a profité. Un aficionado a remarqué que ses toques étaient plus forts à droite qu’à gauche. Effectivement son premier toro présentait plus de difficultés à droite, il s’est adapté ! Pour les deux suivants, cela n’a pas été nécessaire sauf pour quelques passes isolées.
On a remarqué aussi qu’il était très croisé à Madrid. C’est une question de colocation. Le Victorino l’exige particulièrement, mais il essaie de le faire partout devant tous les toros. Car il ne veut pas de concept du toréo fermé ; il préfère un concept large pour pouvoir toréer tous les encastes et trouver le tracé adapté à chaque toro.
Pour la technique, a-t-il visionné ses faenas de Madrid ? Le soir même, c’était impossible car le téléphone n’arrêtait pas de sonner ! Il considère de toute façon qu’il vaut mieux le faire la tête froide après quelques temps pour une analyse critique moins émotionnelle et plus constructive.
A la question sur l’influence de son succès à Las ventas sur sa prochaine temporada, il souligne qu’il n’a plus le temps de rien faire (sauf l’entraînement) car il est invité partout : c’est ainsi qu’au sortir de la soirée, il se préparait à prendre un avion à 6 heures du matin pour rejoindre Salamanque et tienter en présence de l’empresa de Séville. Séville où rien n’est encore fait car l’empresa attend « les rois mages » pour commencer ses négociations. Mais il y a déjà plusieurs contrats signés et d’autres en cours, mais il ne dévoilera rien, l’annonce des cartels appartenant aux empresas.
Cependant, il a bien voulu concéder qu’un mano a mano avec son frère Javier était programmé en 2024.
Pour répondre à la demande du public (et à celle de Victorino Martin qui a déclaré qu’il devait prendre ses toros), il considère que c’est vraiment un luxe de lidier les Victorinos, parce qu’ils ont du fond, qu’il faut aller les chercher et en extraire la substantifique moelle. C’est pourquoi, il veut les prendre mais dans les grandes arènes pour des publics connaisseurs, notamment en France (où il n’a jamais toréé depuis son alternative).
Ceci dit, il accepte de prendre des corridas dures, mais dans des endroits importants et veut aussi toréer avec les figuras et leurs toros. Ses élevages favoris : Victorino et les 2 autres élevages de l’encaste Albaserrada étant incontournables, il voit chez Santa Coloma La Quinta et Ana Romero, et par ailleurs, Victoriano del Rio, Garcigrande parce qu’ils ont du fond et qu’il faut trouver leur charge. In fine il aspire à la variété.
À quelques questions plus personnelles il a souligné que dans les diners de famille on ne parle jamais de toros. Et que ses kilomètres de voyages et ses obligations l’empêchaient de rencontrer le public dans la rue, avec les selfies etc. Peut-être les vivra-t-il avec les fêtes qui approchent.
Au final, une excellente soirée où l’on a apprécié la sincérité et l’engagement du torero : encore une fois, les absents non excusés ont eu vraiment tort !
excellent compte rendu fidèle à ce qui a été dit bravo
Merci pour cette complète resena.
Félicitations.
Ferdinand DE MARCHI
Fidèle compte-rendu de cette belle soirée et superbes photos
Merci Jean-Yves
Emmanuel