Jean-Pierre Hédoin, président d’honneur du Club Taurin de Paris et remarquable conférencier d’un soir. ©JYB
On sait que les toreros se rappellent chacun des toros qu’ils ont combattus, chaque faena qu’ils leur ont donnée, chaque estocade. Mais qu’en est-il de l’aficionado ? La réponse était donnée hier par Jean-Pierre Hédoin, président d’honneur du Club Taurin de Paris, qui a parsemé son exposé de 60 ans de souvenirs aussi précis que ceux des toreros, suscitant une admiration générale.
Dans les souvenirs taurins, le premier qui vient à l’esprit est celui de la première corrida qu’on a vue : cela peut être, comme pour lui, la vision en réalité d’une image qu’on s’est mise dans la tête à la lecture des journaux sportifs de l’époque, celle d’un desplante dos au toro de Luis Miguel Dominguin.
La deuxième forme de souvenir taurin est celle de la première corrida « complète » à laquelle on ait assisté la corrida du siècle en 1982 à Madrid, ou celle de Jose Tomas à Nîmes. Tout se passe pour le mieux, comme dans un rêve, mais on se souvient de détails comme la couleur des costumes pas du jeu des toros !
La 3 ème forme de souvenir taurin vient de l’impression d’avoir vécu la corrida historique parce qu’il s’est passé quelque chose qui change l’avenir de la corrida : Pour Jean-Pierre Hédoin, c’était la faena d’El Cordobes à Valence en 1964 une des 5 grandes faenas de son année triomphale.
Reste d’autres souvenirs qui s’incrustent dans la mémoire :
la surprise inattendue : le torero quasi inconnu Sebastian Cortez à Bayonne ou celui qui va devenir une vedette sans être figura Javier Conde lors d’une nocturne à Malaga en 1995 ; il n’a jamais connu un tel état de grâce par la suite !
la corrida dramatique où l’émotion intense vient de l’agressivité des toros, de l’engagement des toreros et, le cas échéant des conditions climatiques : En 1965 à Dax, des Atanasio Fernandez défensifs, ennuyeux qui blessent successivement les 3 toreros du cartel !
la corrida où l’on est touché par une tauromachie que l’on n’a jamais vue et qui bouleverse toutes les références que l’on peut avoir : l’exemple est celui de Paco Ojeda à Nîmes en 1983.
Ensuite, on a des souvenirs accumulés par des éléments de singularité, ce qui non seulement enracine le souvenir dans la mémoire, mais l’élargit en lui donnant une portée supérieure ou une valeur plus générale.
Cette forme de souvenir porte en général sur un point précis de la lidia, cape, pique, banderilles, faena, estocade etc. Ainsi
La plus grande faena de muleta : 2 souvenirs
La plus courte de Curro Romero au Chofre de San Sebastian a impressionné un ami qui voyait sa première corrida et lui a laissé un énorme souvenir. La faena de puissance à puissance celle de Paquirri face à Buenasuerte de Torrestrella à Madrid en 1979, qui fut la victoire du courage de l’homme sur la puissance du toro.
Dans des registres totalement différents, ces deux faenas sont intégrées dans le cheminement de l’aficion. Car le souvenir enracine aussi son aficion et il peut, bien entendu, s’appliquer aux acteurs torero ou toro. Mais il vaut mieux écarter tout ce qu’on voit en vidéo (trompeuse du fait de la sélection des images) car cela permet aussi de relativiser les éléments subjectifs.
Pour les toros, il y a tellement de paramètres, bravoure, noblesse, fiereza, complet, que le souvenir n’échappe pas à la polémique.
Quand on est jeune aficionado, on s’intéresse aux passes et aux hommes. On ne connait les toros que plus tardivement et le souvenir qu’on en a vient avec l’évolution que l’on a dans la lecture de leur comportement. Pour le jeune aficionado qu’était Jean-Pierre Hédoin, ce sont une dizaine de toros qui lui ont permis de découvrir sur une dizaine d’années des fondamentaux du toro de combat : à Nîmes un toro lui a appris ce qu’était mettre les reins ; un autre à Bilbao (71) ce qu’était charger en faisant l’avion ; en 1965 à Valencia, un Juan Pedro Domecq qui attaquait tout adversaire aussi bien le cheval que la muleta, un toro complet ; à Séville, Abrileno de Torrestrella qui lui a montré la charge avec alegria. Etc.
Au total, les souvenirs permettent le retour sur sa propre aficion et bien qu’ils soient extraordinairement subjectifs, ils permettent de revivre les plus grandes émotions comme l’indulto de Cobradiezmos de Victorino martin à Séville par Manuel Escribano ou la magnifique tarde de Pablo Aguado en 2019 devant les Jandilla : des tardes dont on sort merveilleusement heureux.
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