Jean-Pierre Hédoin Président du Club Taurin de Paris.
La première réunion du club taurin de Paris était traditionnellement consacrée au bilan de la temporada vu par les membres du club et au vote pour le prix « rencontre » récompense traditionnelle du club (on y reviendra).
Pour le bilan, ont alterné avec énormément de brio Jean-Pierre Hédoin, le président et Thierry Vignal fin connaisseur des élevages et des encastes, encouragés tous deux par quelques remarques de l’assistance.
Par rapport à 2019 qui reste l’année de référence à cause de la pandémie, le premier point à signaler est la réouverture des plazas de primera, Madrid, Séville et Bilbao.
Car sur le plan toros, la saison a connu des résultats plutôt mitigés alors que le brillant de 2019 laissait espérer beaucoup mieux : on a revu de la faiblesse, certes pas autant qu’au début des années 2000, et surtout une absence de race peut-être due aux choix des figuras et en conséquence des éleveurs.
Les ganaderias supérieures cette année ont été Victoriano del Rio qui a beaucoup brillé dans les arènes de première catégorie et qui a su le mieux garder l’équilibre entre la toréabilité exigée par les figuras et la caste nécessaire au triomphe.
Autre élevage en pointe, La Quinta : ce n’est pas une surprise, cela confirme une tendance depuis quelques années. Reste à confirmer dans les grandes arènes, notamment à Séville où la ganaderia vient d’être annoncée pour la première fois !
Autre succès pour un élevage à la camada beaucoup plus courte : La Palmosilla qui a obtenu les prix de Pampelune et Madrid. Pour 6 ou 7 corridas lidées, c’est superbe !
On pourrait rajouter Santiago Domecq qui a obtenu les prix de Séville et Bilbao : c’était un élevage dont les toros accusaient beaucoup de faiblesse, mais qui a été bien redressé. Personnellement, je rajouterais aussi le lot de Dolores Aguirre de Céret, mais ce fut insuffisant pour marquer sur toute la temporada.
Moins à la hauteur : Victorino Martin, Luis Algarra, qui semblent payer le prix de la recherche de toréabilité.
Galache revient, grâce à Morante, après avoir gagné le prix de Salamanque, mais doit confirmer car dans le souvenir des plus anciens, c’était vraiment l’élevage à ne jamais aller voir !
Les déceptions, outre juan Pedro Domecq avec sa production excessive, Jandilla qui avait été LA ganaderia de 2019 (peut-être plus grâce aux toreros Aguado, Juan Bautista, que grâce à ses toros), n’a pas confirmé et fait une saison plutôt médiocre.
Fuente Ymbro (8 cartels à Madrid !), a fait du déstockage et initié une polémique sur les « cinquenos pasados » : on a vu des toros dont la date de « consommation » était dépassée : cela tenait à quoi ? Age, alimentation insuffisante due à la pandémie et à l’augmentation des prix, manejo ? en conséquence des toros réservés, sur la défensive remplaçant la charge par des coups de tête vers le haut. La seule conclusion à en tirer est que l’excès d’âge accentue certes les qualités, mais surtout les défauts du toro !
Côté toreros, on était resté en 2019 sur Aguado, Urena (à Bilbao), et Roca Rey avant son arrêt. Plus Morante plutôt personnage que torero.
En 2022, Urena a connu une saison difficile les empresas ne lui faisant pas assez confiance pour être taquilero. Aguado a connu quelques éclairs et donné quelques détails. On attend toujours la confirmation de l’artiste.
Morante a dominé quantitativement (on sait ce que j’en pense) mais au bilan des trophées il est loin derrière :
97 corridas, 81 oreilles et 2 queues la semaine dernière. A comparer avec les triomphateurs en termes de trophées : Roca Rey 139 oreilles et 6 queues pour 63 corridas, Luque 94 oreilles et 8 queues pour 43 corridas, Ferrera 94 oreilles et 5 queues pour 55 corridas !
Le vrai triomphateur de la temporada est Andres Roca Rey malgré son début de saison difficile (refus de la Porte du Prince à Séville, la présidence souhaitant lutter contre l’inflation de mouchoirs – sic). A Madrid une partie des tendidos l’a qualifié de truqueur ad vitam aeternam, mais il reste son sommet de Bilbao !
3 ème de l’année Daniel Luque, torero emblématique en France, qui n’a pu entrer à Madrid, sans doute pour des raisons de gestion (1ère corrida de San Isidro avec des Montalvo, puis des mauvais lots) mais il y a sa porte du Prince de Séville et sa consécration dacquoise !
Les autres toreros ont été regular ou ont eu des éclairs mais sans le nombre de cartels ou la régularité qui permet de triompher sur la temporada : Rufo, Aguado, et chez les belluaires Escribano, Sanchez Vara etc. Pour les nouveaux venus, notamment les triomphateurs de Madrid, (Angel Tellez, Francisco de Manuel), on attendra la confirmation espérée en 2023, même si pour Tellez, les nombreux contrats obtenus à la suite de ce succès ne l’ont pas mis en valeur.
Faute de temps, on n’a pu se pencher sur le cas des novilleros qui se bousculent au portillon : beaucoup d’espoirs et quelques déceptions prévisibles.
Reste le troisième acteur de la corrida : le public. Il a certainement évolué depuis 2019 : les aficionados affichent une tension certaine entre l’envie de se réjouir avec l’inflation d’oreilles qui a marqué toutes les férias et la volonté de ne pas brader la fiesta. Une tension forte qui n’oppose pas des groupes d’aficionados mais peut exister au sein de la même personne.
Au plan fréquentation, les tendances des années précédentes ses sont confirmées (nouvelle baisse à Bilbao par exemple). De même, les caractéristiques de chaque plaza se sont renforcées : le côté festif à Pampelune, la musicalité du toréo à Dax (on n’y apprécie réellement que les faenas où la musique joue).
Mauvais point par contre pour la majorité des plazas surtout espagnoles : la débauche d’alcool dans les gradins avec le mouvement perpétuel de ceux qui vont remplir leurs verres à la buvette. S’y ajoutent parfois (en conséquence) des insultes de tendido à tendido entre supporters d’équipes rivales de football qui n’ont rien à voir avec la corrida du jour !
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