Jean-Pierre Hédoin, président du Club taurin de Paris, accueille Finito de Cordoba invité du club. ©JYB
Juan Serrano, Finito de Cordoba, n’est pas Cordouan d’origine puisqu’il est né à Barcelone. Mais ses parents vivaient à Cordoue avant de s’installer à Barcelone où son père avait trouvé du travail dans une entreprise de construction. Il n’est revenu dans sa ville familiale que vers sa 15 ème année. Ces deux villes et ces deux arènes ont donc énormément compté pour lui :
- Barcelone c’est l’arène dont il a rêvé tout gamin de visiter la chapelle : il a même essayé d’y suivre Paco Ojeda. Mais il n’y entrera que vêtu du costume de lumière quelques années plus tard. Il y fera 38 paseos, avec 10 grandes portes et 1 indulto.
- Cordoue c’est une ville et une arène exigeantes avec leurs toreros : mais lui en a toujours senti la ferveur et la manière dont il a été porté par l’aficion cordouane dans les moments difficiles. Il y a toujours connu beaucoup de chance avec les toros qui sont souvent sortis très bons.
Ses plazas préférées après 30 ans d’alternative et 1500 cartels, restent les grandes plazas de première catégorie, celles où il a le plus toréé : Madrid, Séville, Barcelone, Cordoue Malaga.
En France Dax et Nîmes, notamment cette dernière année où après un fracasso (et 3 avis) à son premier toro, alors que son fils l’avait accompagné, son deuxième toro est sorti très bon et l’aficion nîmoise a été chaleureuse et il a ressenti quelque chose de très profond. Il a trouvé cela extrêmement touchant et émouvant.
Il ne cite pas d’élevages favoris mais analyse la situation ainsi : Heureusement, l’élevage a évolué en mieux. Les toros sont nobles, capables d’obéir au leurre, mais avec une grande bravoure. Il regrette les morphologies des années 70-80, plus harmonieuses, avec moins de poids. Pourquoi un tel volume ? il ne sait pas d’autant que, comme beaucoup de toreros, il tient compte du regard de la bête plutôt que de son trapio ou de ses cornes. En fait ses plus grandes frayeurs, il les a connues devant des petits toros en plaza de 3 ème catégorie.
Les novilladas étaient plus soignées qu’aujourd’hui et ceux qui voulaient devenir toreros étaient mieux accompagnés. A ses débuts on toréait 15 voire 30 encastes différentes. Aujourd’hui, dans beaucoup de férias on trouve 5 élevages de la même encaste.
Sur la question d’un aficionado practico : quelles différences fait-il entre les vaches en tienta et les toros ?
Il adore le campo et, en tienta préfère les vaches plus âgées. A ses yeux les toros sont plus prévisibles : ils avertissent toujours, contrairement aux vaches qui sont plus « informelles »
98% des accidents sont de la faute du torero, qui ne tient pas compte de l’avis soit par manque de technique soit par sensation d’être totalement a gusto.
Note : On peut se poser la même question pour l’aficionado qui ne sait pas toujours voir le danger sourd d’un toro (cf Vic 2022, corrida d’Escolar Gil).
Certains toreros, conscients de la différence vache – toro s’arrêtent de lidier en tienta après la première corrida de l’année, par peur de prendre de mauvaises habitudes.
Pour lui, il admire beaucoup les aficionados practicos et leur est reconnaissant de montrer des choses que les toreros professionnels ne font pas forcément.
Question : Evolution de l’aficion ?
Il n’est pas pessimiste, car les jeunes reviennent. Mais il est réaliste.
Le problème est que le toréo est mal organisé de l’intérieur. Il manque de la transparence dans l’organisation des corridas. Seules les figuras (à peine 5% des toreros) touchent beaucoup d’argent. De ce fait leurs cartels sont déficitaires et l’empresa se rattrape en payant au minimum les autres cartels où les toreros risquent leur vie de la même manière : La première mesure à prendre serait d’augmenter le prix des places dans les cartels de figuras (sans augmenter leur cachet) pour pouvoir mieux payer les toreros de deuxième rang. Même principe pour les droits des télévisions.
En 2021, après sa tarde de Cordoue, il s’est dit qu’on pourrait faire des tentaderos publics y compris dans les grandes arènes dont celles de Cordoue, avec des aficionados practicos. Le coup de fil de l’empresa n’est jamais venu.
Question : l’indulto ?
C’est un des aboutissements de la fiesta ; lui-même a indulté 40 toros dont seulement 10 ou 15 ont été gardés comme étalons par les ganaderos. Les indultos créent toujours un débat, mais c’est aussi toujours la fiesta qui gagne, car c’est la conséquence d’un moment de plaisir et d’émotion intenses vécus dans l’arène (sous-entendu pas devant la TV).
On peut tuer très bien mais lui n’aime pas tuer le toro : il n’éprouve pas de plaisir au moment de la mort.
Note : On se rappellera que d’autres toreros ont émis la même opinion, par exemple Castella il y a quelques années, même si le respect du toros brave exige qu’il meure.
Les toros qui l’ont le plus marqué dans sa carrière sont deux toros qu’il a combattus le jour de la naissance de sa fille et celui de la naissance de son fils : leur lidia avait été très belle, mais l’émotion pour lui était ailleurs.
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