UNE RELIGION DU TAUREAU
C’est une véritable somme qu’André Viard a réunie dans cet ouvrage d’une richesse phénoménale !
L’histoire de l’homme et de ses relations – le plus souvent religieuses – avec le taureau commence aux temps les plus lointains de la préhistoire : 2 remarques
- Les Paléontologues considèrent généralement que c’est parce que l’homme a mangé de la viande, en particulier celle de l’auroch primitif qu’il a pu développer son cerveau, multiplier les synapses et acquérir une forme de pensée et d’expression qu’il est seul à détenir dans le monde de la nature et de la vie terrestre.
- Dès ces temps préhistoriques les hommes chassaient pour se nourrir, mais aussi pour acquérir la puissance fécondatrice de l’animal qu’ils tuaient, première forme de religiosité dans le monde des premiers hominidés.
Certes, on retrouve dans cette première partie de l’ouvrage, des données qui ont été publiées en leur temps par Terres Taurines, notamment sur les sites comme le Mont Bego, mais aussi des coups de projecteur sur des lieux où l’on retrouve des symboles rupestres aussi bien dans le Sahara que dans les Andes ou l’Anatolie. Dans les formes de ces premières religions du Dieu Taureau, il est accompagné de son double féminin.
Viennent ensuite, au moment où l’histoire commence à se transmettre, l’épopée de Gilgamesh qui combat et sacrifie le taureau, puis Mithra dont la religion sera défaite par le Christianisme après quelques siècles de luttes. Même la religion juive, avant la rédaction de la Bible vers 600 avant JC, possédait un Dieu Taureau inspiré du Baal moyen-oriental.
Les premières formes de tauromachie qui nous sont connues semblent être celles du monde mésopotamien sous forme de chasses (royales essentiellement), mais aussi celles du monde turc et de l’Extrême-Orient mongol ; sans oublier l’Inde l’Iran, et les tauromachies des pharaons égyptiens : il s’agit autant de s’emparer de la force du taureau que de prouver sa puissance en l’affrontant.
Plus près de nous, la Grèce célèbre l’enlèvement d’Europe par Zeus transformé en taureau, et justifie la chasse : « La seule chasse digne des jeunes gens c’est la chasse dans laquelle ce sont les animaux sauvages qui sont le gibier… et où l’âme de l’homme travaille à maîtriser la force sauvage de la bête. » (Platon : Lois VII).
Cela se retrouvait aussi chez les Celtes et plus tard les Gaulois et les Francs qui chassaient eux aussi l’auroch, en Crête avec le minotaure mais aussi les jeux taurins, et enfin Rome où contrairement à ce que l’on imagine habituellement, les arènes étaient plus souvent consacrées à des chasse (venationes) qu’aux combats de gladiateurs. Seul le coût des spectacles les fera disparaître peu à peu, même si les techniques évoluèrent pour pouvoir faire servir plusieurs fois les animaux. Ce fut d’ailleurs à Rome qu’apparut la première forme de muleta !
Les siècles suivants furent consacrés à des tauromachies cynégétiques et guerrières, notamment en Espagne mais aussi en France et en Italie ou au Mexique : ces luttes servaient d’entraînement à la guerre.
L’Eglise eut au 18 ème siècle, des velléités de s’opposer à la tauromachie, non pour protéger les animaux, mais parce que l’homme ne devait pas risquer sa vie pour un spectacle. Mais la passion des peuples (la fureur taurine écrit Bartolomé Bennassar) ne pouvait être vaincue par des arguments philosophiques et la corrida moderne vit le jour avec l’invention de la muleta, le traité de tauromachie de Paquiro, et enfin, la révolution belmontienne.
La dernière partie de l’ouvrage est une défense ardente et bien argumentée de la tauromachie contre les idéologies antispécistes, la mode végane, suivie d’un retour sur les religions et la psychanalyse interprétant le sens du combat et le risque de sa vie pour le torero.
Au total, une somme, à déguster par petits bouts :
« .. L’auteur dévoile des pans méconnus de l’histoire, tend des passerelles audacieuses et inattendues, par delà les âges et au-dessus des continents tout au long d’un voyage vertigineux aux origines de l’épopée humaine. » (4 ème de couverture).
Un livre à commander chez votre libraire ou aux éditions Au diable vauvert. (580 pages, 25€)
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